L’hypnose, une aide précieuse dans le contexte difficile de la migration

L’hypnose se révèle précieuse pour aider les réfugiés et les bénévoles à gérer le stress et les émotions dans les contextes migratoires difficiles. Elle offre un espace de détente mentale et émotionnelle, facilitant une meilleure résilience face aux défis de la migration.

Un article de Mary Wenker

Depuis bientôt 4 ans, je me rends régulièrement à Chios et Athènes avec mon association Choosehumanity1 où, en petit colibri, je tente d’apporter quelques gouttes d’eau dans la vie des réfugiés, mais aussi aux bénévoles souvent pleins de bonne volonté, mais peu préparés à vivre ce qu’ils vivent là-bas, et moins encore à gérer les flux émotionnels perturbants auxquels ils sont exposés.

En novembre 2019, près de 100’000 réfugiés séjournaient en Grèce, le plus souvent dans des conditions matérielles, sanitaires et psychologiques à la limite du supportable. Sur le terrain, de nombreux bénévoles venus du monde entier tentent de faire une petite différence dans des projets aussi divers que l’accueil des bateaux, l’animation de cours de langue ou d’ateliers divers, la distribution de biens de première nécessité notamment. Tous, qu’il s’agisse des réfugiés ou des bénévoles traversent des situations hautement stressantes en ne pouvant que rarement bénéficier d’un soutien psychologique adéquat.

1 Pour en savoir plus : www.choosehumanity.ch ou suivez-nous sur Facebook

Interventions auprès des populations réfugiées

Si j’accueille en majorité des femmes dans mon cabinet en Suisse, force est de constater que la population que je touche en Grèce est essentiellement masculine. Plus surprenant encore, une population issue de communautés peu familiarisées avec l’hypnose (Afghans, Pakistanais, Syriens, Africains…), voire même réticentes à l’idée d’expérimenter une démarche qui pourrait faire résonance avec des pratiques de sorcellerie pour certains d’entre eux (les Camerounais, par exemple).

Sans doute est-il utile de rappeler ici le parcours de ces personnes… Un exil motivé par une situation de violence issue d’un conflit armé, de difficultés économiques, d’un engagement politique ou encore d’une orientation sexuelle sévèrement réprimée. Le départ, toujours douloureux, est suivi d’un voyage plus ou moins long et d’une halte en Turquie avant de pouvoir embarquer sur un bateau qui permettra d’atteindre « L’Europe », « L’Hexagone », « La Terre promise ». Nombreux sont les réfugiés qui, durant leur séjour en Turquie, ont fait face à d’autres violences, à des arrestations, voire à des périodes d’emprisonnement. De nouveaux traumatismes s’additionnent… Et se multiplieront encore lors de la traversée de la Méditerranée, lors de l’arrivée en Grèce avec l’écroulement de tous les espoirs. La vie dans les camps est un traumatisme en soi tant elle est inhumaine. C’est dire l’état psychique dans lequel se trouvent une majorité des réfugiés en Grèce.

Mes interventions en Grèce ont tout d’abord pris la forme de séances de relaxation en groupes, dans les champs d’oliviers près du camp, ou dans différents centres tenus par des associations indépendantes. J’ai eu le privilège de pouvoir compter sur quelques personnes ressources de différentes communautés pour recruter des participants et constituer les groupes, ainsi que pour servir d’interprètes lorsque c’était nécessaire.

Comment expliquer le concept de « relaxation » à des populations qui n’ont eu ni le privilège, ni le temps sans doute, de prendre soin d’eux-mêmes en terme de développement personnel ? Comment leur expliquer que notre objectif est de leur permettre de se sentir mieux, ne serait-ce que le temps de la séance, sans stigmatiser leur souffrance et une fois encore faire émerger le sentiment si désagréable d’être dépendant des bénévoles sur le terrain ? J’ai pour ma part opté pour une attitude de transparence, en exprimant le pourquoi de ma présence parmi eux (le devoir, pour moi, de partager le hasard d’être née dans un pays de nantis), ma connaissance de leur réalité compte tenu de ma longue expérience en Grèce, mon besoin à moi aussi, par instants, de devoir évacuer des difficultés qui, sans commune mesure avec les leurs sans doute, ont perturbé ma vie. L’empathie, dans une relation authentique, me semble porter ses fruits.

Les séances débutent toujours par un exercice respiratoire de cohérence cardiaque, ce qui permet à chacun de comprendre ce qui est attendu sans que la compréhension verbale (au-delà de la langue utilisée) ne pose problème. J’utilise pour ce faire un lien disponible sur un site en m’assurant que tous les participants inspirent et expirent simultanément, ce qui me permet de guider. Inspirer du calme, de la lumière, de la force, de l’espoir…. Expirer les pensées parasites, les soucis, le noir… Et se sentir toujours plus léger, jusqu’à décoller. L’exercice prend progressivement la forme d’un exercice d’auto-hypnose sans que je ne le nomme ainsi.

La séance se poursuit sous la forme d’un voyage hypnotique qui leur permettra de se rendre dans un espace où ils se sentent particulièrement bien et détendu : leur « espace ressource »… Sous ma guidance, ils explorent cet environnement (imaginaire ou vécu) à travers leurs 5 sens. Et collectionnent, comme s’ils voulaient les déposer dans un album ou un autre lieu, l’image symbolique de leur état de détente, sa musique, son parfum, son goût et la sensation kinesthésique qui convient au mieux. Ils disposent ainsi du matériel nécessaire à modeler un objet symbolique (une bulle de protection, ou alors un talisman, ou autre chose) qu’ils vont pouvoir nommer, et ancrer afin de pouvoir aisément le retrouver avec l’état ressource qu’il représente.

Les retours des participants sont toujours extrêmement positifs. Le plus souvent, ils voudraient ne pas « revenir ». Ils sont néanmoins rassurés lorsqu’ils réalisent pouvoir retrouver «leur endroit de paix », et pouvoir, le temps de le revisiter, reprendre un souffle, quelques bouffées d’énergie pour poursuivre leur difficile chemin de réfugiés… Je suis toujours profondément émue de les voir si sereins, et triste bien sûr sachant ce qui les attendra dans les heures suivantes.

Les participants reçoivent ultérieurement le lien qui leur permettra de pratiquer l’exercice de cohérence cardiaque de manière autonome, ainsi que des informations relatives à l’importance de pratiquer trois fois par jour durant 5 minutes pour que l’effet physiologique se produise. Nombreux sont les participants à le faire, et à en ressentir les bienfaits qui s’observent principalement au niveau de la qualité de leur sommeil.

Ces séances de groupes sont souvent l’occasion d’établir des liens de proximité avec certaines personnes, et d’envisager des suivis individuels.

Interventions auprès des bénévoles

Il ne suffit pas d’être plein de bonne volonté et parfois hautement qualifié pour effectuer une mission dans un tel contexte. Je constate que bon nombre d’équipes ne mesurent pas à quel point les bénévoles sont exposés. Ou alors, considèrent que seuls ceux qui s’engagent pour plusieurs mois le sont.

François est arrivé à Chios il y a une semaine. Juriste de formation, il s’agit de sa première expérience dans le domaine. Lorsque je le rencontre, il exprime un profond mal-être : il vient de participer à l’accueil de trois bateaux, avec parmi les réfugiés un jeune enfant vraisemblablement dans un état de santé critique. Je lui propose une séance d’hypnose.

Sa demande est de pouvoir « mieux vivre » sa tristesse, son intense sentiment d’impuissance, sa colère. Nous débutons la séance avec une technique très efficace pour réduire l’intensité des émotions difficiles (l’EFT) et parvenons à abaisser sa colère à un niveau acceptable (3 sur 10 en ce qui le concerne). Une induction très simple lui permet ensuite rapidement d’atteindre une jolie transe. Sous hypnose, je l’invite à transformer cette colère en quelque chose de symboliquement stimulant pour lui permettre de poursuivre sa mission sans être « plombé » (ses mots) à chaque nouvelle arrivée de bateaux (il en a vécu 4 depuis). François choisit le symbole « ma maison », comme un refuge ressourçant. Nous terminons par 5 minutes de cohérence cardiaque, pratique qu’il pourra utiliser durant la suite de son séjour. Lorsque je rencontre François 3 jours plus tard, il dit se sentir bien et avoir invité certains de ses collègues à me contacter pour fixer une séance.

Réfugiés ou humanitaires, tous ont besoin de soutien. L’hypnose et des techniques complémentaires telles que celles citées ici me semblent être particulièrement indiquées dans un tel contexte puisqu’elles s’inscrivent dans les thérapies brèves. Je suis toujours étonnée que les professionnels envoyés par des instances officielles n’aient pas encore opté pour un tel choix. Si la psychologie traditionnelle est certes fort utile, elle ne fait pas sens à mon avis dans le contexte d’urgence que nous connaissons en Grèce, ou dans d’autres contextes similaires.

1 Pour en savoir plus : www.choosehumanity.ch ou suivez-nous sur Facebook


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