La maison d’Erickson : à la découverte de sa pratique de l’hypnose

Découvrez la finesse de la prise en charge ericksonienne, où la vie quotidienne se métamorphose en puissant espace thérapeutique.

Lors de ma récente visite à Phoenix en Arizona, j’ai eu l’opportunité de découvrir l’univers intime de Milton Erickson, père de l’hypnose ericksonienne, en explorant sa maison historique. Cette expérience inoubliable s’est déroulée sous une chaleur accablante de 45 degrés, ajoutant une dimension physique à ce voyage déjà chargé d’émotion.

Milton Erickson, né en 1901, est une figure emblématique dans le champ de la psychothérapie et de l’hypnose. Erickson était célèbre pour son approche non conventionnelle et créative de l’hypnothérapie, où il utilisait le langage du corps, les métaphores, et une communication souvent indirecte pour induire des états hypnotiques et encourager le changement chez ses patients.

Piestewa Peak, Phoenix, USA, été 2023

La maison d’Erickson, située non loin de Piestewa Peak, une montagne de Phoenix. C’est là qu’il aimait parfois envoyer ses patients afin d’en gravir le sommet pour stimuler leur développement personnel. C’est son fils, Robert Erickson, qui m’a accueilli et guidé à travers les différentes pièces de la demeure, enrichissant ma visite avec des anecdotes personnelles et des détails intimes sur la vie et les méthodes de son père. Milton recevait ses patients dans sa maison, il avait une sorte de pièce attenante avec une salle d’attente et un petit bureau.

Pénétrer dans le bureau de Milton Erickson fut un moment particulièrement poignant. C’était là que Erickson consultait, élaborait ses théories et écrivait ses livres influents. Les murs, encore tapissés de ses livres et de ses notes, semblaient vibrer d’une énergie captivante, comme si l’esprit d’Erickson lui-même flottait encore dans l’air.

Le bureau de Milton Erickson

Au cours de cette visite, j’ai découvert que l’hypnose ericksonienne est bien plus qu’un ensemble de techniques ; c’est une philosophie de vie où chaque élément quotidien peut être utilisé à des fins thérapeutiques. Robert m’a partagé comment, souvent sans même le savoir, il était intégré dans la thérapie des patients de son père. Sa simple présence dans la maison, où se déroulaient les consultations, ajoutait une dimension humaine et réelle au processus thérapeutique.

La maison est également jalonnée de photos historiques montrant Erickson en plein travail, souvent entouré de ses élèves lors des séminaires. Ces images donnent vie à ses techniques et à son engagement profond envers ses patients et étudiants, rappelant à quel point Erickson était connecté à son environnement, utilisant chaque élément à sa disposition pour enseigner et guider.

À l’extérieur, la proximité des montagnes offre un rappel constant de la philosophie d’Erickson, qui voyait dans la nature un puissant outil thérapeutique. Il croyait profondément que les défis physiques, les tâches à vivre à l’extérieur de la salle de thérapie, pouvaient être des outils pour contribuer au processus de changement et d’apprentissage. Car la thérapie, c’est principalement ce que la vie nous amène et comment nous l’accueillons et l’utilisons pour évoluer dans nos comportements.

Quelques anecdotes de son fils Robert Erickson

Robert Erickson

L’échange avec Robert, empreint de respect et de nostalgie, a ajouté une dimension personnelle à cette expérience, me permettant de comprendre non seulement l’homme derrière le thérapeute, mais aussi l’impact durable de ses enseignements sur sa famille. Il faut noter que Robert n’a pas suivi les pas de son père, il a été enseignant et ne connaît pas grand-chose à l’hypnose. J’ai d’ailleurs été étonné d’entendre Robert me dire qu’il n’avait quasiment fait aucune séance d’hypnose avec son père, et que son père ne l’avait pas poussé à suivre ses pas de thérapeute. Milton désirait que son fils fasse ce qu’il fait sens pour lui.

Dans la maison familiale d’Erickson à Phoenix, chaque élément et chaque personne pouvait servir à enrichir l’approche thérapeutique de Milton Erickson. C’est ce qu’a partagé son fils, Robert Erickson, en évoquant les manières créatives par lesquelles son père intégrait parfois ses propres enfants dans des situations thérapeutiques, non pas en les utilisant comme des outils, mais en tirant parti des opportunités quotidiennes pour faciliter la thérapie de ses patients.

La dame à vélo

Dans le cadre des pratiques thérapeutiques uniques de Milton Erickson, Robert partage l’histoire intrigante de la “dame à vélo”. Cette patiente souffrait d’hallucinations persistantes, croyant être suivie par des hommes nus. Erickson a utilisé une approche imaginative pour l’aider à surmonter ses peurs. Lors de ses séances, il l’a convaincue que ces hommes imaginaires pouvaient être enfermés dans le placard de son bureau. La dame à vélo venait régulièrement, même en l’absence de Milton, pour vérifier que le placard était bien fermé, assurant ainsi que ses hallucinations étaient toujours “contenues”. Robert la voyait entrer et sortir régulièrement du bureau de son père.

Pour Robert, découvrir des années plus tard le véritable contexte de ces visites a été une révélation sur la profondeur de l’approche de son père, utilisant des solutions symboliques pour aborder des problèmes psychologiques complexes.

L’histoire de Susan

L’histoire de Susan est l’une des nombreuses où l’intuition thérapeutique de Milton Erickson a transformé la vie d’un individu. Susan était une jeune femme en lutte contre les entraves d’une famille oppressante et dominatrice. Pour l’aider à retrouver son autonomie, Erickson a conçu une intervention qui nécessitait l’aide de son jeune fils, Robert.

Robert se souvient qu’un jour, son père l’a introduit à Susan et lui a demandé de l’accompagner jusqu’à un taxi. Il devait l’emmener derrière la maison, traverser l’allée jusqu’à la Troisième Avenue où un taxi l’attendait. Sur le chemin, Susan a commencé par faire des commentaires neutres sur le climat de Phoenix et sa visite au musée d’art, avant de se lancer dans des louanges pour le Dr. Erickson, exprimant à quel point elle était reconnaissante pour l’aide qu’il lui avait apportée.

Cependant, la conversation a pris une tournure inattendue lorsque Susan a commencé à se poser des questions profondes et personnelles à haute voix, des questions sur ses propres choix de vie, auxquelles Robert n’avait évidemment pas de réponses. En atteignant le taxi, elle est montée à bord sans autre cérémonie et est partie.

Robert est retourné rapporter à son père que la mission était accomplie, ignorant totalement le contexte. Son père lui a ensuite demandé d’aller vérifier discrètement une voiture garée devant leur maison. Robert, dans une ruse enfantine, a fait semblant de jardiner tout en observant discrètement le véhicule et ses occupants. Il a pu confirmer que la personne dans la voiture ressemblait beaucoup à Susan, mais était en réalité une femme plus âgée, probablement sa mère, qui était habillée de manière similaire.

Ce n’est que des années plus tard, à l’université, que Robert a lu un article de son père dans une revue professionnelle et a fait le lien avec l’histoire de Susan. Il a réalisé que ce jour-là, il avait aidé Susan à échapper à sa famille et à commencer une nouvelle vie. Erickson avait prévu toute l’opération minutieusement, y compris l’interaction de Robert avec Susan, comme un moyen d’aider sa patiente à prendre le contrôle de sa vie.

L’histoire de M.Kane

Robert raconte également l’histoire de Monsieur Kane, un patient qui, grâce à une interaction simple mais profonde, a pu faire des progrès significatifs. Monsieur Kane, qui avait des problèmes de mobilité, était souvent amené à se promener avec le jeune Robert. Lors de ces promenades, Erickson avait demandé à Robert, alors âgé de seulement six ou sept ans, de tendre la main vers des branches ou des buissons un peu trop hauts pour lui. Ce geste, bien que simple, était chargé d’intentions thérapeutiques : en imitant l’enfant, Monsieur Kane devait étirer ses membres et améliorer sa posture.
Ce processus, répété régulièrement, a non seulement aidé Monsieur Kane à améliorer sa mobilité, mais lui a également permis de gagner en autonomie et en confiance. Robert observait avec une certaine fierté que la posture de Monsieur Kane s’améliorait progressivement, passant d’une attitude courbée à une stature bien plus droite et assurée. Cet exemple illustre une fois de plus comment Milton Erickson utilisait des éléments de la vie quotidienne, ici une simple promenade avec un enfant, pour intégrer des exercices thérapeutiques qui paraissaient tout à fait naturels.

L’élégance et la finesse de l’approche ericksonienne

Elizabeth et Milton Erickson

L’art de l’hypnothérapie ericksonienne repose sur la subtilité et l’ingéniosité avec lesquelles les éléments quotidiens et les interactions personnelles sont utilisés pour engendrer un changement psychologique et physique. Erickson avait la conviction profonde que l’environnement immédiat d’une personne, peuplé de ses interactions et de ses ressources intérieures, est fertile en opportunités de changement. Il voyait la thérapie non comme une intrusion, mais comme une danse délicate avec l’inconscient du patient, où chaque geste, chaque parole, chaque élément de l’environnement pouvait être infusé de signification thérapeutique.

Cette finesse s’incarne dans sa capacité à trouver dans les détails du quotidien un vecteur potentiel pour la thérapie. Erickson croyait que chacun possédait les ressources internes nécessaires à une vie épanouie et c’est dans cet esprit qu’il a sculpté des expériences thérapeutiques, parfois si indirectes que les patients découvraient le changement sans s’être senti en “thérapie”. En incorporant la réalité immédiate de ses patients dans la thérapie, Erickson les guidait vers la découverte de leur propre potentiel de changement.

Ces récits ne nous instruisent pas uniquement sur la créativité de l’approche ericksonienne ; ils mettent également en relief la délicatesse et le respect inhérents à cette forme d’hypnose et de thérapie. À travers ses interventions, souvent imprégnées d’une sagesse pragmatique, Erickson démontre comment un environnement bien compris et emphatiquement orchestré devient le terrain fertile pour le changement et la croissance personnelle.

La leçon de vie de Robert Erickson

J’ai finalement demandé à Robert quel était l’enseignement le plus important que son papa lui a laissé, voici sa réponse :

La leçon la plus précieuse que Robert Erickson retient de son père, Milton Erickson, est l’importance de penser aux conséquences de ses actes. Cette valeur fondamentale, inculquée dès son plus jeune âge, a profondément influencé sa façon de vivre et de prendre des décisions. Milton enseignait par l’exemple que chaque action avait des répercussions potentielles, et que la prévoyance et la prudence étaient essentielles pour naviguer dans la vie. Cette approche ne concernait pas seulement les grandes décisions, mais s’étendait à tous les aspects de la vie quotidienne, des interactions sociales aux choix professionnels. Robert explique que cette perspective l’a aidé à éviter de nombreux pièges courants de l’adolescence, comme l’alcool et les drogues, en se concentrant sur les conséquences à long terme de ces actions. Ainsi, cette leçon de prudence et de réflexion s’est révélée être un guide fiable et un principe directeur tout au long de sa vie, démontrant l’impact durable de l’éducation et des enseignements de son père.

Conclusion

La thérapie, comme toute discipline, évolue avec le temps et les contextes sociaux. La manière d’Erickson de pratiquer la thérapie en famille, y compris l’intégration subtile de ses enfants dans le processus thérapeutique, reflétait son époque et son cadre de vie personnel. Aujourd’hui, les pratiques thérapeutiques tiennent compte des frontières professionnelles et éthiques plus strictes, et l’utilisation des membres de la famille dans le cadre thérapeutique est abordée avec davantage de prudence et de considération pour les normes contemporaines.

Cependant, l’esprit de l’approche d’Erickson reste pertinent : il réside dans l’art de saisir les ressources innées et les circonstances de vie de chaque individu pour favoriser le changement. Il s’agit moins de reproduire exactement ses méthodes que de s’inspirer de sa philosophie, qui met en avant l’adaptabilité, l’ingéniosité et un engagement profond à comprendre et à travailler avec la complexité unique de chaque patient.

La maison de la famille Erickson à Phoenix

Ma visite à la maison d’Erickson a été un moment de réflexion profonde. Marcher dans les mêmes pièces où ce maître de l’hypnothérapie a vécu et travaillé a été une expérience puissante. La maison, remplie de souvenirs, mais aussi très simple, loin des fastes que l’on pourrait s’imaginer est une fenêtre sur sa vie et son travail. En partant, j’étais ressourcé et plus convaincu que jamais de l’importance d’adopter une approche thérapeutique qui s’imprègne de la réalité des personnes que j’accompagne, en m’immergeant dans leur univers intérieur pour créer un espace thérapeutique riche et propice au changement.

En conclusion, la maison de Milton Erickson à Phoenix ne se limite pas à une structure de briques et de mortier, c’est le témoin silencieux d’une révolution dans la pratique de l’hypnothérapie et la psychothérapie. En tant que sanctuaire de la vie et de l’œuvre d’Erickson, elle incarne physiquement les principes de son approche innovante, mettant en lumière son génie à utiliser chaque interaction, chaque détail de l’environnement quotidien comme une opportunité d’apprentissage et de transformation.

La thérapie ça se passe là dans la vraie vie !

Hypnothérapeute Ericksonien dans la région d'Yverdon et de Ste-Croix

Philippe Kiener

Passionné par les états modifiés de conscience, il propose, au travers de l'hypnose, un accompagnement respectueux et bienveillant dans le monde et les ressources de chacun.

Région du cabinet: Ste-Croix, Yverdon et en ligne

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